L'histoire du brave humanitaire – Journée mondiale de l'aide humanitaire
19.08.2020
Ils sont au moins 200 000 à travers le monde. Ils sacrifient leur temps, leur santé et parfois leur vie pour sauver d'autres personnes dans les coins les plus reculés du globe.
L’Organisation des Nations unies les appelle les "héros du quotidien" (#RealLifeHeros). Les humanitaires, comme nous pourrions les appeler, ont quelque chose d'un Samaritain miséricordieux tiré d'une parabole biblique. Comme leurs antiques prédécesseurs, les humanitaires d'aujourd'hui n’ignoreront aucune personne dans le besoin.
Ils aident les victimes de catastrophes naturelles, de guerres, de conflits et de persécutions. Ils gèrent des camps de réfugiés, fournissent de la nourriture, construisent des abris, enseignent, soignent et soutiennent les personnes les plus démunies.
Le centre de leur intérêt est l'homme - quel que soit le côté de la barricade duquel il se trouve, ses croyances religieuses ou sa nationalité. L'éthique de l'aide humanitaire est basée sur les principes d'impartialité et de neutralité, ainsi que sur le principe de "en premier, ne pas nuire".
Le sort de centaines de millions de personnes dépend de leur travail, de leur engagement et de leur dévouement.
Rien qu'en 2019 l'aide humanitaire a permis, entre autres, de vacciner contre la rougeole près de 29 millions d'enfants, de fournir des soins médicaux à près de 7 millions d'enfants sous-alimentés et de femmes enceintes et à garantir un accès à de l’eau propre à près de 32 millions de personnes. Plus de 71 millions de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays ont pu obtenir un toit, de la nourriture et des moyens de subsistance.
Selon des projections de l'ONU du début de l’année 2020, ce ne sont pas moins de 168 millions de personnes qui devraient avoir besoin d'aide humanitaire cette année - le nombre le plus élevé depuis plusieurs décennies. Cela signifie qu'une personne sur 45 dans le monde ne peut survivre que grâce à un tel soutien. Rien qu'au Yémen, près de 80 % de la population totale, soit 24 millions de personnes, a besoin d'aide. D'autres crises humanitaires majeures se poursuivent en Syrie, en République démocratique du Congo, en Afghanistan, au Sud-Soudan, au Venezuela et en Haïti.
L'ONU avait estimé qu'elle aurait besoin de 28 milliards de dollars rien que pour ses propres activités d’aide en 2020. Toutefois, la pandémie de COVID-19 a rendu ces chiffres dépassés tant les besoins réels ont augmenté de façon dramatique.
Aujourd'hui déjà, 9 autres pays ont été contraints de demander l'aide des Nations unies (en plus des 54 précédents) et des dizaines de millions de personnes ont perdu leurs moyens de subsistance en raison des mesures de distanciation physiques et des restrictions économiques en place. Selon la Banque mondiale, 40 à 60 millions de personnes sont retombées dans l'extrême pauvreté, c'est-à-dire qu'elles auront moins de l'équivalent de 1,90 dollar par jour pour vivre. Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que le nombre de personnes incapables de satisfaire leurs besoins nutritionnels doublera pour atteindre 265 millions. De son côté, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) a averti que 6 000 enfants supplémentaires pourraient mourir chaque jour de maladies qui ne peuvent être évitées du fait de la suspension (liée au coronavirus) des programmes de vaccination. La rougeole, le choléra et d'autres maladies ont ainsi recommencé à se propager rapidement.
La pandémie a rendu le travail des humanitaires encore plus nécessaire mais aussi plus dangereux. Ils opèrent en première ligne de la lutte contre le virus, dans des conditions qui empêchent souvent le respect des règles d’hygiène ou de distanciation sociale. Leur mission n'a d’ailleurs jamais été facile.
Le nombre de travailleurs humanitaires qui ont subi des préjudices en aidant les autres est en augmentation depuis des années. En 2019, 483 travailleurs humanitaires ont été victimes de 277 attaques distinctes : 125 ont perdu la vie, 234 ont été blessés et 124 ont été kidnappés. Il y a dix ans à peine (en 2010), le nombre d'attaques était deux fois moins élevé (130 incidents), tout comme le nombre de victimes (250 personnes) et le nombre de décès (73 personnes). La vaste majorité des victimes, car près de 90%, sont des employés locaux. Les endroits les plus dangereux pour l'acheminement de l'aide humanitaire en 2019 étaient la Syrie, le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo, l'Afghanistan, la République centrafricaine, le Yémen et le Mali.
Pour honorer ceux qui ont payé le prix le plus élevé pour leur mission, l'ONU a créé en 2009 une journée mondiale de l'aide humanitaire, célébrée le 19 août. Ce jour-là en 2003, 22 personnes ont été tuées dans un attentat à la bombe à Bagdad, en Irak, dont Sergio Vieira de Mello, diplomate brésilien, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour l'Irak, responsable du programme d'aide à l'Irak de l’ONU.
En Pologne également, de plus en plus de personnes et d'organisations s'engagent dans l'aide humanitaire. Des employés d'organisations non gouvernementales (ONGs), des bénévoles, des missionnaires polonais, des sauveteurs et des médecins utilisent des fonds publics et privés pour atteindre les coins les plus éloignés du monde. Ils expriment par cela leur solidarité avec les plus faibles et leur sens des responsabilités pour le sort commun de l'humanité.
Les autorités polonaises ont destiné 65,3 millions de PLN à l’aide humanitaire en 2019. Ces fonds sont principalement allés aux victimes de la guerre et aux réfugiés de Syrie séjournant dans les pays voisins (Liban, Turquie, Irak). De ce montant, 40 millions étaient une contribution à l’aide européenne en faveur des réfugiés en Turquie; 11,8 millions de PLN ont soutenu les agendas humanitaires internationaux et environ 13,2 millions de PLN ont été versés aux organisations humanitaires polonaises présentes dans la région. C’est, entre autres, grâce à cela que le Centre polonais d’aide internationale (PCPM) a pu mettre en œuvre un programme visant à garantir un toit et à améliorer l'accès à l'éducation des réfugiés et des populations locales au Liban (1,5 million de PLN) et la Mission médicale polonaise (PMM) a pu améliorer l'accès aux soins médicaux pour les femmes et les enfants vivant dans les zones peu développées des provinces de Zarka et Al-Mafrak en Jordanie (0,5 million de PLN).
Les pompiers et le personnel médical polonais ainsi que les experts en aide humanitaire du Centre polonais d’aide internationale ont été parmi les premiers à porter secours aux victimes de la désastreuse explosion d'août 2020 à Beyrouth, qui a tué des centaines de personnes et privé plus de 300 000 d'entre elles de domicile.
L'aide humanitaire aujourd'hui n'est pas, bien sûr, une initiative spontanée d'un groupe d'idéalistes et d'enthousiastes. C'est un domaine scientifique développé, offrant une gamme de services professionnalisés et qui constitue un important enjeu économique et politique mondial. Les critiques soulignent que « l’industrie humanitaire » n'est pas sans défauts et que certains de ces programmes ont échoué. Les véhicules tout-terrain blancs des ONGs lancés à vive allure dans des régions sauvages d'Afrique ou d'Asie deviennent parfois l'objet de critiques et de jalousies. Linda Polman, dans son célèbre livre « La caravane de crise » (publié en Pologne en 2011), a accusé les organisations humanitaires de rendre certaines personnes dépendantes à l'aide mais aussi de coopérer avec des régimes non démocratiques ou de gaspiller des ressources.
Cette critique stimule l’évolution constante du secteur humanitaire : l'amélioration de l'efficacité de l’aide et une meilleure utilisation des ressources. Des nouvelles méthodes d’aide (par exemple, le passage à des transferts d'argent au lieu d'une aide en nature) et de gestion sont introduites. L'aide humanitaire (qui sauve des vies) est combinée à l'aide au développement (qui donne une canne à pêche plutôt qu'un poisson) et à des mesures visant à accroître la stabilité et la paix, permettant aux populations de rapidement retrouver leur indépendance de toute aide.
Certaines universités dans le monde offrent des cursus spécifiques pour préparer à cette activité, et le travail dans une organisation humanitaire apparait souvent comme la promesse d’une carrière internationale attrayante. Cependant, la livraison d’aide ou la gestion d’un projet dans une zone géographique instable requiert non seulement des connaissances et une expérience adéquate, mais aussi des prédispositions mentales : résistance au stress, courage et persévérance.
L'aide humanitaire sera nécessaire tant qu'il y aura dans le monde des guerres, de la pauvreté et de la violence. Et il faudra des humanitaires courageux. Le changement climatique, la propagation de maladies infectieuses et la multiplication des catastrophes naturelles touchent de plus en plus de personnes. Et si nous pouvons rêver d'un monde où leur travail ne sera plus nécessaire, il est pour le moment utile d'apprécier leur dévouement et leur engagement quotidiens.
Auteur : Patryk Kugiel, PISM (L'Institut polonais des affaires internationales)